Vous aviez mon cœur,
Moi, j’avais le vôtre :
Un cœur pour un cœur ;
Bonheur pour bonheur !
Le vôtre est rendu,
Je n’en ai plus d’autre,
Le vôtre est rendu,
Le mien est perdu !
La feuille et la fleur
Et le fruit lui-même,
La feuille et la fleur,
L’encens, la couleur :
Qu’en avez-vous fait,
Mon maître suprême ?
Qu’en avez-vous fait,
De ce doux bienfait ?
Comme un pauvre enfant,
Quitté par sa mère,
Comme un pauvre enfant,
Que rien ne defend :
Vous me laissez là,
Dans ma vie amère ;
Vous me laissez là,
Et Dieu voit cela !
Savez-vous qu’un jour,
L’homme est seul au monde ?
Savez-vous qu’un jour,
Il revoit l’amour ?
Vous appellerez,
Sans qu’on vous réponde ;
Vous appellerez,
Et vous songerez !…
Vous viendrez rêvant,
Sonner à ma porte ;
Ami comme avant,
Vous viendrez rêvant.
Et l’on vous dira :
« Personne !… elle est morte. »
On vous le dira ;
Mais qui vous plaindra ?
Desbordes-Valmore, Marceline, « Qu’en avez-vous fait? », Pauvres fleurs, dans Les œuvres poétiques, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 1973 [1839].